vendredi 17 mai 2013

Room

Un livre de Emma Donogue

C’est inconsciemment que j’ai choisi dans la même semaine deux livres mettant à l’avant-plan la relation mère-enfant. (Salut Maman!) Je vous parle donc aujourd’hui du roman Room, d’Emma Donoghue. 

Room est un roman troublant. Je l’ai lu d’une traite, je crois même avoir dîné en gardant les yeux rivés à ses pages. Il s’agit en quelque sorte d’une lecture d’actualité. Vous vous rappelez sans doute ces trois femmes séquestrées pendant une dizaine d’années par un Américain, et retrouvées à Cleveland ce mois-ci ? Room ressemble beaucoup à cette histoire. L’auteure ne raconte pas un fait vécu, même si ça semble très réaliste.

L’histoire nous est racontée par Jack, un garçon très intelligent âgé de cinq ans, qui vit avec sa mère dans la Chambre (en réalité un cabanon insonorisé dans le jardin). Sa mère a été kidnappée à l’âge de dix-neuf ans par un homme, qui deviendra le géniteur de Jack. Un jour, l’enfant et sa mère parviennent à se sauver, mais doivent dès lors affronter le Dehors, et ses millions de facettes. Le roman est ainsi scindé en trois; d’abord le récit de la vie à l’intérieur de la chambre, puis à l’extérieur. Entre les deux se retrouve l’élaboration du plan d’évasion. D’abord la vie se résume à ce qui entoure Jack; Monsieur Tapis, Madame Chaise, Mademoiselle Cuillière-fondue. Le reste, ce qu’il voit à la télévision, n’existe que sur d’autres planètes. Puis vient la découverte de l’existence d’une dehors théorique et finalement l’évasion et le choc, face à tant de nouveautés.

Dur pari pour Donoghue que de choisir un garçon de cinq ans comme narrateur pour une telle histoire. J’ai eu un peu de difficulté à m’habituer à cette narration enfantine et répétitive, mais j’ai fini par apprécier Jack et je crois que c’est finalement la meilleure façon de nous présenter les réactions d’un enfant qui découvre le monde extérieur, l’anxiété et les questionnements que toutes ces découvertes provoquent chez lui. 

Après une vie entière en captivité, on pourrait croire que Jack est heureux de retrouver sa liberté. Mais en fait, il devient difficile de considérer la monde comme un endroit «libre» lorsque l’on doit apprendre toutes les conventions et les limites qui nous sont imposées. C’est ainsi que Jack se fait ramener à l’ordre lorsqu’il tente de faire un câlin à un petit inconnu dans la rue. «Pourquoi ?» demande-t-il, «je l’aime !» Et on se le demande un peu, nous aussi... 

Cette lecture amène beaucoup d’interrogations sur ce dont un enfant a vraiment besoin pour grandir. Bien sûr les blocs Lego, les chaussures orthopédiques ou les livres de référence semblent nécessaires, voire indispensables. Mais en réalité, l’essentiel pour un enfant n’est-il rien de plus que la présence d’une mère, ou d’une figure aimante ? C’est ce que doit d’ailleurs tenter de faire comprendre la mère de Jack, à qui l’on reproche d’avoir contraint son fils à grandir dans le manque de tout. 

C’est aussi toute l’incompréhension du "colonisateur" qui croit être le seul à connaître la normalité, et qui doit faire face à l’inconnu, au primitif. On en vient presque à regretter nous aussi, comme Jack, le confort et la protection de la chambre. Je n’ai d’ailleurs pu m’empêcher de faire le parralèle avec la colonisation européenne en Amérique. 

«Vous l’avez allaité. En fait cela choquera peut-être certains de nos téléspectateurs, mais j’ai cru comprendre que vous le faisiez toujours, c’est exact ?» Maman rit. La dame ouvre des grands yeux. «Dans toute cette histoire, c’est le seul détail choquant ?» (p.295)

Somme toute, Room est une lecture prenante, qui entraîne beaucoup de questionnements et de réflexions. Mais qui présente aussi quelques faiblesses, entre autres la narration enfantine à laquelle on doit s’habituer.

Emma Donoghue, Room. Stock, 2011, 399 p. 
(Aussi en format poche aux éditions Le livre de poche.)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire