mardi 30 juillet 2013

Une fille, qui danse


Un roman de Julian Barnes 

Tony, la soixantaine, a pris sa retraite. Il a connu une existence assez terne, un mariage qui l’a été aussi. Autrefois il a  beaucoup fréquenté Veronica, mais ils se sont éloignés l’un de l’autre. Apprenant un peu plus tard qu’elle sortait avec Adrian, le plus brillant de ses anciens condisciples de lycée et de fac, la colère et la déception lui ont fait écrire une lettre épouvantable aux deux amoureux. Peu après, il apprendra le suicide d’Adrian. 
Pourquoi Adrian s’est-il tué? Quarante ans plus tard, le passé va ressurgir, des souvenirs soigneusement occultés remonter à la surface — Veronica dansant un soir pour Tony, un week-end dérangeant chez ses parents à elle... Et puis soudain, la lettre d’un notaire, un testament difficile à comprendre et, finalement, la terrible vérité, qui bouleversera Tony comme chacun des lecteurs d’ Une fille, qui danse


Une fille, qui danse est le dix-neuvième livre de Julian Barnes. Ce roman a été acclamé par la critique et lui a permis de gagner le Man Booker Prize en 2011. 

Julian Barnes sait écrire des phrases qui marquent, des phrases que l’on a envie de noter, de surligner, de répéter. Le propos de ce roman tourne autour de la mémoire et des souvenirs, et du constat que l’on fait de notre vie, lorsqu’on vieillit. Ce n’est pas un sujet qui m’a particulièrement touché, je dois le reconnaître, bien que l’auteur ait su traiter du sujet de façon efficace. 

Tout de même, j’ai eu l’impression que l’histoire n’était qu’un prétexte pour aborder un tel sujet, que Tony, le personnage principal n’était que l’outil permettant à l’auteur de verbaliser son point de vue, et ce, de façon trop peu subtil à mon avis. 

D’ailleurs bien que ce livre se lise rapidement, vu son petit nombre de pages, il m’a paru être inégal. La première partie, où Tony nous raconte la période-clé de l’histoire est plus légère et plus intéressante que la deuxième partie, lorsque Tony est un retraité moyen, qui regarde sa vie, somme toute moyenne: «moyen dans la vie; moyen face à la vérité; moralement moyen. La première réaction de Veronica et me revoyant avait été de remarquer que j’avais perdu mes cheveux.» (p.132) 

Le bouleversement de cette existence moyenne — l’héritage qu’il reçoit de la mère de Véronica, sa petite amie de l’époque de l’université — l’oblige à regarder en arrière, à revoir ses souvenirs peut-être d’une façon différente que celles qu’il avait toujours cru être la bonne. Ce qui mène à la reprise de contact avec Veronica et à de nombreux questionnements sur le suicide d’Adrian son ami d’antan et sur son existence en général. Véronica en vient à lui dire : « tu n’as jamais pigé, et tu ne pigeras jamais.» Et je dois reconnaître que je n’ai pas tout à fait pigé moi non plus. Je n’ai pas tout à fait compris pourquoi l’ancienne belle-mère lui lègue un héritage, ni les vraies raisons du suicide d’Adrian, ni même le dénouement final. Je me demande si comme Tony « je ne pige rien » puisqu’aucune critique ne semble soulever cette zone d’ombre dans l’histoire... 

« J’avais beau essayer — ce qui n’était certes pas très difficile — de le faire, j’en venais rarement à imaginer une vie très différente de celle qui a été la mienne. Je ne pense pas que ce soit de la complaisance; c’est plus probablement un manque d’imagination, ou d’ambition, ou quelque chose comme ça. Je suppose que la vérité est que je ne suis pas assez excentrique pour avoir fait autre chose que ce que j’ai fait de ma vie. » (p.90)

En somme, pour le regard philosophique que pose l’auteur sur la mémoire et le vieillissement, c’est une lecture intéressante, même si l’histoire comporte selon moi certaines faiblesses. D'ailleurs, si vous l’avez lu et avez « pigé » éclairez-moi dans les commentaires, merci! 

Julian Barnes, Une fille, qui danse. Mercure de France, Paris, 2011, 193 pages.

lundi 29 juillet 2013

Le maître des illusions


Un roman de Donna Tartt

Il s’agit des confessions, des années plus tard, d’un jeune étudiant d’une petite université du Vermont ayant enfin accédé à cette vie intellectuelle privilégiée tant convoitée. Introduit dans le cercle très fermé de cinq étudiants sûrs d’eux-mêmes et du monde, choisi par un professeur charismatique de lettres classiques, Richard Papen s’initie avec eux aux mystères de la culture grecque ancienne et passe en leur compagnie de longs week-ends à lire, faire du bateau et jouir des journées ensoleillées de l’été indien. Magnétisé par ses nouveaux compagnons, Richard n’a pas connaissance du crime qu’ils ont commis au cours d’une bacchanale. Mais une fois mis dans la confidence, il s’incline devant l’inéluctable nécessité d’assassiner leur camarade de classe et ami qui pourrait trahir leur secret et compromettre leur avenir. 

J’ai lu Le maître des illusions à la demande d’une amie qui voulait connaître mon avis sur ce roman. Paru en version originale anglaise en 1992, ce premier livre de l’auteur Donna Tartt parait en français en 1993. Il fait rapidement sensation et rafle la première édition du prix des libraires du Québec, entre autres. 

Puisque j’étais persuadé d’avoir vu le (mauvais) film tiré du roman, je n’avais jamais eu envie de le lire. En vérité, bien que le récit me rappelle vaguement un film, et qu’il existe bel et bien un long métrage ainsi nommé, le roman de Donna Tartt n’a jamais été porté à l’écran. 

Bref, entre deux lectures la curiosité a eu raison de moi, et je me suis lancé dans ce roman de plus de 700 pages. J’ai rapidement été captivé par l’histoire, qui est fort efficace. Ce roman présente de nombreuses qualités qui m’ont tenu en haleine dès les premières pages. Cependant, le rythme - et l’intérêt - s’essouffle et les 200 dernières m’ont semblé pénibles comparées au reste du roman. L’intrigue également, si forte au départ, devient secondaire et j’en suis venu à me demander où l’auteur voulait m’amener. 

«Affront d’ordre religieux, crises de colère, insultes, chantage, extorsion — désagréments, irritations, tout cela semblerait trop subalterne pour pousser au meurtre cinq personnes raisonnables. Mais, si j'ose dire, ce n'est qu'après avoir aidé à tuer un homme que j'ai compris à quel point un acte tel qu'un meurtre peut être complexe, insaisissable, ne relevant pas nécessairement d'un seul et unique mobile.» (p.296)

Dans l’ensemble, j’ai trouvé la plupart des personnages intéressants, bien que Richard, le narrateur, m’ait semblé être la personne la plus insipide de tout le roman, simple spectateur, presque incapable de formuler autre chose que : « que veux-tu dire?». C’est à se demander comment  il a réussi à intéresser des gens aussi mystérieux et charismatiques que ses amis. En outre, ce groupe de six étudiants dans la jeune vingtaine s’intéressant aux langues anciennes m’a paru un peu irréel. Peut-on être tout à la fois érudits et savants, alcooliques et riches, charmeurs et égoïstes quand on a seulement 20 ans ? 

Mais j’ai particulièrement apprécié l’environnement dans lequel nous plonge l’auteur; un campus de Nouvelle-Angleterre, une fraternité de jeunes gens cools et intelligents qui discutent en grec ancien, et les descriptions si efficaces qu’on a l’impression d’y être: « La file des gens s’étirait jusqu’aux voitures, robes gonflées, chapeaux maintenus sur la tête. Devant moi, un peu plus loin, Camilla s’efforçait, sur la pointe des pieds, de rabaisser son parapluie qui l’entraînait à petits pas glissants — une Mary Poppins en robe de deuil. »(p.529)

En somme, j’ai rapidement adoré le roman, jusqu’à ce que je comprenne que l’intrigue allait me décevoir. Je suis resté sur ma faim, mais j’ai quand même beaucoup aimé l’atmosphère, les personnages, et le récit en général. 

Donna Tartt, Le maître des illusions, Plon, 1993, 705 pages. 
Aussi chez Pocket en format poche, 2002, 2012. 

samedi 20 juillet 2013

Thématique : Amérique latine et Caraïbes

Peut-être est-ce la chaleur et le soleil qui ont motivé le choix de cette thématique mais j'ai quelques bouquins que j'ai très envie de lire depuis un moment et dont l'action se déroule en Amérique latine et dans les Caraïbes. J'ai donc décidé de les regrouper sous une thématique et de les lire à la suite les uns des autres. Soyons fous. 

Communément, l'Amérique latine regroupe tous les pays du continent américain dont la langue est l'espagnol, je crois qu'on y ajoute également le Brésil, même si la langue officielle de ce pays est le portugais. Pour me simplifier la vie, j'ai décidé d'inclure les Caraïbes, parce que je crois que Haïti ne fait pas partie de l'Amérique latine (puisqu'on y parle le français) et comme je voulais lire un roman qui se passe à Haïti, je devais l'inclure à ma thématique. Ha !


Je commencerai donc ce programme avec la lecture de Mémoire du feu (ICI) de Eduardo Galeano. Ce journaliste et essayiste a produit une synthèse de l'histoire populaire de l'Amérique Latine de l'époque précolombienne aux années 1980, qui semble-t-il est un réel plaisir de lecture. Je trouve très logique de débuter ce parcours littéraire par une synthèse historique. Je crois que cela me permettra entre autres de mieux comprendre certains enjeux qui seront inévitablement présents dans les romans suivants. 

Je poursuivrais avec la lecture d'un roman de Dany Laferrière; Le charme des après-midi sans fin (ICI). L'auteur y fait le récit de son enfant à Petit-Goâve, petite agglomération près de Port-au-Prince, la capitale d'Haïti. Laferrière est un auteur que je voulais découvrir depuis longtemps et je crois que c'est une bonne façon d'y arriver, en débutant par la période de sa vie qui marquera son parcours d'écrivain. 

Le troisième livre de cette thématique sera La maison aux esprits (ICI) d'Isabel Allende, le premier roman de cette auteur chilienne. Il s'agit d'une grande saga familiale dont l'action se déroule au Chili. Voilà encore une auteur que je connais de réputation sans jamais l'avoir lue, et c'est un roman qui m'attire depuis plusieurs mois. J'ai déjà hâte !

Pour conclure cette épopée, qui en est également une de découverte, je vais rencontrer Gabriel Garcia Marquez avec un roman qui trône depuis longtemps dans ma bibliothèque; Cent ans de solitude (ICI). Le récit prend place dans une contrée imaginaire d'Amérique latine. Rédigé en 1965 au Mexique, en Espagnol, ce livre deviendra un incontournable, il a d'ailleurs sa place dans le top 100 des meilleurs romans du XIXe siècle, dont j'ai parlé ici. 

Voilà, on se revoit dans quelques semaines ! Si vous avez des suggestions de romans à ajouter à cette thématique, n'hésitez pas à les laisser dans les commentaires. Vous pouvez également me rejoindre dans le challenge et partager avec moi vos lectures d'Amérique latine et des Caraïbes. 


Middlemarch

Un livre de George Eliot

Dans Middlemarch (1871-1872), deux intrigues sentimentales principales, l'histoire de deux mariages de Dorothea et le mariage malheureux de Lydgate, jeune médecin ambitieux, avec la vulgaire Rosamond Vincy, se détachent sur un fond foisonnant de personnages et d'événements.

La lecture de ce pavé de 1091 pages (en plus de 36 pages de notes bibliographiques !) m'aura pris près d'un mois. Heureusement - puisqu'il est séparé en 8 livres - j'ai pu prendre de petites pauses afin de lire autres choses pour ensuite reprendre ma lecture sans trop culpabiliser, ni perdre le fil. 

Bien qu'elle soit moins connue du grand public, George Eliot est considérée comme l'une des grandes écrivaines anglaises du XIXe siècle. Mary Ann Evans de son vrai nom, a déjà écrit 6 romans et de nombreux poèmes lorsqu'elle débute la réaction de Middlemarch en 1871. Ce roman que plusieurs reconnaissent comme étant le chef d'oeuvre de l'auteur, sera d'abord publié en feuilleton, ce qui est courant à l'époque. Eliot ne connait donc pas la fin de son histoire lorsque le premier livre est lu par le public. Toutefois, c'est une intrigue parfaitement liée et une histoire tissée à merveille qu'elle offre à ses lecteurs. 

Middlemarch raconte l'histoire de la société d'une petite ville fictive de province anglaise vers 1830. Elle offre un regard franc sur les différents niveaux de la bourgeoisie, dans leurs torts et leurs travers. Les descriptions précises qu'on y retrouve constituent selon moi un précieux document d'archives, incluant les aspects sociaux, politiques et économiques de l'Angleterre du XIXe siècle. 

Eliot a également voulu montrer dans son roman que la vie n'est justement pas un roman. C'est pourquoi les choix que font les personnages manquent parfois de logiques, ce qui est finalement très réaliste. C'est également un grand hommage à l'attachement entre époux, à l'amour inconditionnel et intemporel qui relie deux êtres malgré les difficultés conjugales. 

"Elle savait, quand elle verrouilla sa porte, qu'elle la déverrouillerait, prête à descendre auprès de son mari pour épouser son chagrin et lui dire à propos de ses fautes: je vais m'affliger sans faire de reproches. Mais il lui fallait du temps pour rassembler ses forces: il lui fallait dire un adieu sanglotant à tout ce qui avait fait la joie et la fierté de sa vie. Une fois résolue à descendre, elle s'y prépara par certains petits gestes qui eussent pu paraître simple sottise à un observateur endurci; ils constituaient sa façon d'exprimer à tous les spectateurs visibles et invisibles qu'elle entamait une nouvelle existence où elles épousait l'humiliation." (p.983)

J'ai trouvé que l'auteur s'attardait parfois un peu trop sur des questions morales et philosophiques et je dois avouer qu'une lecture en diagonale m'aura à quelques reprises sauvé de l'ennui. Toutefois, c'est un grand roman que je suis heureuse d'avoir lu; pour la qualité de son écriture, pour son réalisme et bien sûr pour le voyage historique que nous permet le récit. 


Middlemarch, George Eliot, Calman-Lévy, 1890. 
Nouvelle édition (avec préface de Virginia Wolf) en format poche parue chez Folio en 2005.

vendredi 19 juillet 2013

Wilderness

Un roman de Lance Weller


Abel Truman vit sur la côte déchiquetée du Pacifique Nord-Ouest, dans une vétuste cabane de bois flotté avec son chien pour unique compagnon. Trente ans plus tôt, il a survécu à la bataille de la Wilderness, l'un des affrontements les plus sanglants de la guerre civile américaine. Depuis, Abel est hanté par son passé douloureux, jusqu'au jour où il décide de partir pour un ultime voyage. Mais le vieux soldat ne tarde pas à être rattrapé par la violence lorsqu'un homme au visage déchiré et un Indien aux yeux sans éclat lui dérobent son chien.(...)

Je dois me rendre à l'évidence, je n'ai pas envie de lire ce livre-là en plein mois de juillet. Ce n'est pas que c'est une mauvaise lecture, ce n'est seulement pas du tout approprié à la saison. C'est un roman d'hiver, de feux de bois, de chocolat chaud et de couverture de laine. Je me reprendrai en novembre ! 


Wilderness, Lance Weller, Gallmeister, 2013. 

dimanche 14 juillet 2013

Cléona et son double

Un roman de Barbara Cartland. 

Le jour même où elle va fuir avec celui qu’on lui interdit d’aimer, Léonie Mandeville est invitée à Londres par sa grand-mère la duchesse de Lynke, qui  jamais encore n’a vu sa petite-fille. Éperdue, Léonie supplie sa meilleure amie, Cléona... 
Et c’est ainsi que Cléona Howard, fille d’un humble pasteur, se trouve reçue avec mille égards dans la noble demeure de Berkeley Square. Tremblante, émue, ravie. Sa grâce et sa beauté conquièrent bientôt le Tout-Londres et la sévère douairière elle-même. Seul reste froid, impénétrable, le très séduisant Sylvestre de Lynke. Cléona pressent qu’un autre homme se cache derrière ce dandy qui parâit n’aimer que le plaisir et le jeu. 
À Berkeley Square, des mystères se dévoilent, des menaces rôdent. Prisonnière d’un mensonge, Cléona se sent prise au piège... 

Barbara Cartland est une romancière anglaise peut-être trop productive. Pour la petite histoire, elle voit le jour en 1901, et décède en 2000. Le premier roman de l’auteur est publié en 1923. Suivront plus de 700 livres, tous plus romantico-kitchs les uns que les autres. 

Je m’en confesse, j’ai lu des Barbara Cartland quand j’avais onze ou douze ans. Et je crois que j’aimais ce genre de lectures, parfaites pour une pré-adolescente qui aime les princesses et les histoires d’amour qui finissent bien. 

J’ai replongé dans l’univers «cartlandien» suite à un défi entre amis... l’enjeu : être capable de lire un de ses romans jusqu’à la fin. Alors, voici le résumé de mon expérience. 

D’abord, il faut dire que chez Cartland, l’apparence est TOUT ce qui compte. On le ressent dès le départ, dans l’importance que l’auteur accorde aux descriptions physiques et vestimentaires de ces personnages, mais aussi dans des phrases du genre: «Sais-tu ce que Patrick a dit de toi ? La première fois qu’il t’a vue, je lui ai demandé ce qu’il pensait de ma plus chère amie. Il m’a répondu que si tu prenais davantage soin de toi, tu pourrais être très séduisante. Je dois dire que cette déclaration m’a rendue un peu jalouse.» (p.20) En outre, pour Barbara Cartland, tous les moyens sont bons pour créer une histoire qui sort de l’ordinaire. Dans le roman que j’ai lu, la pauvre petite Cléona, fille d’un pasteur pas très riche aide son amie qui veut se marier en cachette,et qui lui fait un chantage émotif pas possible, du genre «si tu ne m’aides pas, je me tue et tu mourras de chagrin à ton tour.»Elle part pour Londres chez la RICHE grand-mère riche de son amie pas fine-fine. Elle y rencontre le duc, pas fin-fin non plus, qui passe son temps à se saouler et à courir les filles. Ils se détestent dès le départ. Il n’est pas gentil avec elle, elle le méprise. SAUF QUE, je ne sais pas ce qui se passe, mais à la page 171, il l’embrasse dans un mouvement de colère, en la traitant d’ «incorrigible petite idiote!» (QUOI ?) Ce qui vire à l’envers la pauvre Cléona qui s’en veut encore de mentir à son papa et à la grand-mère en se faisant passer pour une autre (elle nous le répétera d’ailleurs tout au long du roman.) Finalement, on comprend que chose le duc fait juste SEMBLANT de se saouler, en fait il est en train de déjouer un plan secret machiavélique de nul autre que NAPOLÉON qui veut envahir l’Angleterre. Bien entendu, c’est notre bonne petite Cléona qui découvre tout ça, et qui SAUVE le duc d’une mort certaine, en se disant «je l’aime, il faut que je le sauve.» Ce qui est parfaitement crédible, puisque dans les 192 pages précédant ce constat, ils ne se sont vus qu’environ quatre fois, avant qu’il ne l’embrasse fougueusement en la traitant de pauvre cloche. 

Bref, le père de l’autre fille découvre la supercherie, le duc aussi, mais Cléona est déjà en route pour retourner chez elle, le duc prend ses chevaux qui vont vite-vite, coure après Cléona, la rattrape, lui montre son domaine parfaitement tenu (vu qu’il faisait juste semblant de toujours être ben saoul) et là il la demande en mariage devant «les immenses fenêtres embrasées par le soleil cochant, les hautes cheminées qui se découpaient sur un fond de ciel bleu, tout cela était d’une émouvante majesté.» (p.215)

Mon extrait préféré à vie:
«Cléona, cléona, mon amour, répétait-il. 

Il s’aperçut alors qu’elle ne l’écoutait plus. Elle s’était endormie dans ses bras, vaincue par la fatigue. Il la tint dans ses bras, comme un enfant, et la porta dans sa cabine. Il l’étendit sur la cou
chette, enleva ses chaussures mouillées et sa cape, puis l’enveloppa d’épaisses couvertures. Au moment où ses bras l’abandonnaient, Cléona émit une faible plainte, comme si on lui enlevait quelque chose qu’elle aimait plus que la vie.»
(p.203)

HA! Elle s’endort pendant qu’il lui dit qu’il l’aime... Incorrigible petite idiote, va !

Barbara Cartland, Cléona et son double, J'ai lu, 1977.

samedi 6 juillet 2013

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...

Document réalisé par Kai Hermann et Horst Rieck

Ce livre terrible a connu un retentissement considérable en France et dans toute l'Europe. Ce que raconte cette jeune fille sensible et intelligente, qui, moins de deux ans après avoir fumé son premier "joint", se prostitue à la sortie de l'école pour gagner de quoi payer sa dose quotidienne d'héroïne, et la confession douloureuse de la mère font de Christiane F. un livre sans exemple. Il nous apprend beaucoup de choses, non seulement sur la drogue et le désespoir, mais aussi sur la détérioration du monde d'aujourd'hui. 


C'est une amie qui m'a conseillé de lire ce livre boulerversant. Publié d'abord en allemand en 1978, Christiane F. Wir kinder vom Bahnof Zoo, n'est pas à proprement parler un roman, disons plutôt qu'il s'agit d'un document sociologique. Je crois qu'il fait d'ailleurs parti de ces "documents initiatiques" des adolescents, comme l'est l'herbe bleue, entre autres. 

L'action se situe à Berlin, dans le milieu des années 1970. On y voit la difficile reprise économique d'un pays qui se remet de la guerre mondiale. La jeunesse est alors victime des troubles identitaires de la nation, de même que de cette rigueur économique et sociale imposée par un climat d'instabilité. On assiste également à la hausse de popularité des "cités" d'habitation, ou chaque espace vert se voit soit rasé pour devenir une nouvelle tour de logement, ou bardé d'interdits pour contrôler la population. 

La lecture de ce livre permet de constater l'impact du milieu - famille, amis, mais également au sens plus élargie; la société, l'économie, l'identité nationale -  sur le développement d'un jeune. On y découvre les difficultés qu'engendre l'augmentation des drogues fortes au niveau social à l'époque. L'heroïne est alors une drogue relativement nouvelle, du moins en Allemagne, et les instances sociales ne sont vraiment pas préparées à réagir à une telle "épidémie". Aucune campagne de sensibilisation bien sûr, mais également peu de ressources et beaucoup de jugements et de tabous. 

La progression de Christiane dans son rapport à la famille, à l'identité et à la drogue est assez percutant. Elle a d'abord l'impression de former une famille avec les autres membres de sa bande : "Au stade ou nous en sommes, l'héro et ses problèmes nous soudent plutôt. Je ne suis pas sûre qu'il existe encore une amitié comme celle qui nous lie, nous autres de la bande, chez les jeunes qui ne se droguent pas." (p.155) Mais elle constate finalement que : 

"Les toxicos meurent seuls. Le plus souvent dans des chiottes puantes. J'ai vraiment envie de mourir. Au fond, je n'attends rien d'autre. Je ne sais pas pourquoi je suis au monde. Avant non plus je ne le savais pas bien. Mais un fixer, pourquoi ça vit ? Pour se démolir et démolir les autres ?" (.p.213)

Suite  à la publication du livre, Christiane sera clean durant quelques années, puis ira de rechute en rechute. En 1988 elle reconnaît que "quand on connaît la sensation que procure l'héroïne, on ne l'oublie jamais. C'est tellement bon." 

En complément:

Moi, Chistiane F., 49 ans... un article de France Soir.
http://www.francesoir.fr/loisirs/culture/moi-christiane-f-49-ans…-123320.html

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... Mercure de France, 1981.
Également chez Folio, en format poche.

L'herbe bleue, Anonyme, 1972.

lundi 1 juillet 2013

Les promeneurs du temps, épisode 1: l'équation interdite

Une bande-dessinée de Viale & Dorange

« Paris le 1er janvier 1901. Le commissaire Ambroise Clé de la préfecture de Paris se rend paisiblement à un rendez-vous. Il ne le sait pas encore, mais cette entrevue va bouleverser son existence. Avec son plus fidèle compagnon, l’inspecteur Darcheville, il va être mis sur la piste d’un mystérieux tueur au compas… C’est le commencement d’une enquête qui défie le temps et la raison. De paradoxe scientifique en paradoxe temporel, Clé, le cerveau le plus parfait d’Europe, sera contraint de céder cette étrange affaire à son propre fils, qui lui même sera contraint de la céder à son propre fils, qui lui même sera contraint de la céder à son propre fils… »





J'ai lu beaucoup de BD quand j'étais plus jeune. Mais depuis l'âge adulte, je ne crois pas avoir terminé un seul album, même si je sais qu'il existe de nombreuses bandes-dessinées destinées à un public de mon âge. 

Toutefois, j'ai été attiré par celle-ci, dont l'action débute à Paris au tournant du XXe siècle et qui raconte l'histoire d'un tueur en série qui voyage dans le temps. En plus, lire une BD d'une cinquantaine de pages se fait si rapidement que j'ai décidé de tenter l'expérience. 

"Si nous l'avions arrêté, il n'aurait pas commis le crime de Londres... et vous n'auriez pas été informé d'un meurtre imminent. Nous aurions été en plein paradoxe temporel. Cela aurait été la fin du monde..."

Alors ce polar-fantastique en version BD nous offre de très belles illustrations, qui présentent une touche d'humour. L'histoire quant à elle n'est pas particulièrement accrocheuse, j'ai eu davantage l'impression de lire l'épilogue ou la prémisse d'une histoire qu'un récit à part entière. Je crois que les tomes suivants mériteraient d'être plus complets que celui-là si l'auteur veut parvenir à accrocher ses lecteurs.