vendredi 8 novembre 2013

La pendue de Londres

Un roman de Didier Decoin 


Allemagne, 1945. L'exécuteur en chef du Royaume Britannique, envoyé en mission pend la gardienne de camps nazis Irma Grese. Même s'il éprouve un réel dégoût à exécuter des femmes, surtout si elles sont jeunes et jolies, le bourreau fait son devoir: c'est un as dans l'art de la longueur des cordes, un expert dans le minutage de la mise à mort. Pourtant, le reste du temps, c'est un homme comme un autre, époux modèle, bon citoyen de Londres, immédiat après-guerre. 
Ruth Ellis ressemble à Betty Boop, enjouée et désirable, elle plaît aux hommes, et sans doute les choisit-elle fort mal. Mais derrière son sourire et sa bouche trop maquillée que cache-t-elle ? Dans le Londres charbonneux de l'après Blitz, d'entraîneuse, Ruth devient prostituée. Un jour, malheureuse, jalousée, violentée, mais toujours belle, et mère de famille, elle tue son amant, à bout portant. La voici condamnée à la pendaison.  Bourreau fais ton oeuvre ! Et si le bourreau avait une âme ? Et s'il répugnait soudain à supprimer une innocente aux boucles blondes ? Dans ce roman envoûtant, reconstitution en cinémascope d'un Londres luisant de "fog" et de pluie, théâtre de vices cachés dans une société bien-pensante, Didier Decoin alterne le chant du bourreau et de la victime. Saisissant. 

Le roman La pendue de Londres fait parti des parutions de la rentrée littéraire 2013. Didier Decoin, récipiendaire du prix Goncourt en 1977 pour John L'enfer, nous présente ici son vingt-cinquième roman. Pour ce récit, l'auteur s'est inspiré d'un fait divers de son enfance - la pendaison de Ruth Ellis à Londres dans les années 1950. 

L'histoire se développe donc autour de Ruth Ellis, qui sera en fait la dernière femme condamnée à mort en Angleterre et de son exécuteur, Albert Pierrepoint, le plus efficace de Grande-Bretagne. Ce croisement des deux histoires est une façon très intéressante de présenter les faits, ce que Decoin réalise dans une absence de jugement très appréciée. Bien que cette lecture entraîne une réflexion sur la peine de mort - qui a encore court dans certains pays rappelons-le - l'auteur s'appuie sur des périodiques de l'époque ainsi que  les autobiographies du fils de Ruth et du bourreau pour étoffer son récit de façon objective. 

Ruth Ellis semblait condamnée au malheur; abusée par son père dans son enfance, abandonnée par son premier fiancé alors qu'elle attend son enfant, battu par ses amants, elle se retrouve, un peu malgré elle, dans le milieu de la prostitution, avec, toujours, l'espoir de s'en sortir. De son côté, le bourreau nous explique ce qui l'a amené à être exécuteur en chef à temps partiel, boulot qu'il tente d'ailleurs de cacher à son épouse, jusqu'au jour où l'exécution d'une centaine de nazis le rend célèbre. Il nous explique d'ailleurs les dessous du métier de façon détachée mais avec beaucoup de précision, un aspect qui saura plaire à ceux qui ont aimé lire Folco. 

L'histoire démontre qu'on peut difficilement échapper à son destin. Pour Ruth Ellis, malgré les protestations des Britanniques qui la savaient innocente, ce fut d'être exécutée. Pour Pierrepoint, ce fut de procéder à la mise à mort de cette jeune femme, belle et innocente, lui qui avait pourtant souhaité ne plus exécuter de femmes. Un roman intéressant pour les faits qu'il présente et touchant pour l'émotion qu'il dégage. À lire !

Didier Decoin, La pendue de Londres, Grasset, 2013.  





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire