vendredi 8 novembre 2013

Au bon roman

Un roman de Laurence Cossé

Qui, parmi les passionnés de roman, n'a rêvé un jour que s'ouvre la librairie idéale ? Non pas ce qu'on appelle une bonne librairie, où l'on retrouve de bons romans, mais une librairie vouée au roman où ne sont proposés que des chefs-d'oeuvre ? En se lançant dans l'aventure, Ivan et Francesca se doutaient bien que l'affaire ne serait pas simple. Comment, sur quels critères, allaient-ils faire le choix des livres retenus ? Parviendraient-ils un jour à l'équilibre financier ? Mais ce qu'ils n'avaient pas prévu, c'était le succès. 

Un livre qui parle de livres, c'est toujours passionnant. D'ailleurs, dans Au bon roman, on a vraiment affaire à des passionnés. Ivan, un libraire désabusé rencontre par hasard Francesca, une riche héritière. Tous deux ont la passion du roman, de l'excellent roman même. Avec les connaissances d'Ivan et le capital de Francesca, ils se lancent dans la folle aventure d'ouvrir une librairie où les livres seraient minutieusement choisis par un comité secret, afin d'offrir aux lecteurs une sélection frôlant la perfection. Au-délà du succès qui les surprend, c'est davantage les attaques sournoises de la concurrence qui les déstabiliseront. 

Le livre débute sur une série de crimes posés à l'encontre d'inconnus. On comprend après quelques pages que ce sont les membres du comité de lecture de la librairie qui sont visés par ces tentatives d'assassinats. Le récit qui compose l'essentiel du roman est donc le témoignage que déposent Ivan et Francesca, les fondateurs de la librairie, à un inspecteur de police. Cette enquête et ces crimes donnent une saveur de polar au roman sans toutefois en faire un roman policier. L'histoire de la création de la librairie, que l'on voudrait réelle, est tout aussi passionnante que l'intrigue en soi. L'histoire nous ouvre d'ailleurs à une réflexion sur le milieu du livre et de l'édition, mais aussi sur l'opinion publique et le choix des lecteurs (qui est ici présentée comme une invention modelée par la critique). 


" Je veux parler de la façon qu'ont maintenant les auteurs de vivre en rivalité, jusqu'à écrire, me dit-on, avec l'idée d'écraser des rivaux. Les prix littéraires ont une grosse responsabilité à cet égard. Écrire pour l'emporter sur les autres: quelle pauvre ambition. L'ordre de la création culturelle a ceci de beau et de singulier qu'il offre de la place à tout le monde. Et on s'emploie à le borner ! On en fait un marché couvert, où quelques best-sellers occupent tout l'espace. On : les éditeurs industriels, les journalistes moutonniers, les grossistes de la culture. Ah, j'aime mieux le monde des amateurs (...)." (p.169)

Petit bémol peut-être; le narrateur n'est pas extérieur, mais son identité n'est révélée qu'à la toute fin du roman. Ça m'a un peu déstabilisée, je me demandais tout au long du roman si j'avais manqué les présentations. Il est d'abord omniscient, et plus la lecture avance, plus il prend de la place pour devenir finalement un personnage à part entière, qui interagit avec les autres. En outre, il ne faut pas compter sur ce roman afin d'établir une liste de lecture ou pour flatter nos connaissances littéraires ! Très peu de titres y sont nommés, et quand ça arrive, il s'agit de romans peu connus ( du moins, qui m'étaient inconnus).

Cette lecture tombait vraiment juste, en cadrant parfaitement avec mon état d'esprit. Pour s'y plaire, je crois toutefois qu'il faut être intéressé par le milieu du livre. C'est donc un roman à lire si on est un amoureux des bons romans, aimant flâner des heures dans une librairie ! 

Laurence Cossé, Au bon roman, Gallimard, 2009, 497 pages.

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