samedi 16 novembre 2013

La cuisinière d'Himmler

Un roman de Franz-Olivier Giesbert

Ceci est l'épopée drolatique d'une cuisinière qui n'a jamais eu peur de rien. PErsonnage loufoque et truculent, Rose a survécu aux abjections de cet affreux XXe siècle qu'elle a traversé sans rien perdre de sa sensualité ni de sa joie de vivre. Entre deux amours, elle a tout subi: le génocide arménien, les horreurs du nazisme, les délires du maoïsme. Mais, chaque fois, elle a ressuscité pour repartir de l'avant. Grinçant et picaresque, ce livre raconte les aventures extraordinaires d'une centenaire scandaleuse qui a un credo: "si l'Enfer, c'est l'Histoire, le Paradis, c'est la vie."

je ne connaissais pas l'auteur de La cuisinière d'Himmler, qui a pourtant rédigé d'autres romans avant celui-ci, mais cette lecture m'a donné envie de découvrir ses autres écrits. Giesbert nous présente ici les mémoires de Rose, une centenaire qui a mordu dans la vie, née en Arménie au début du XXe siècle (le siècle des assassins comme elle l'appelle si bien). 

La vie de ce personnage semble incroyable, mais chacun des événements que l'auteur décrit fait partie de l'Histoire. À sa façon Franz-Olivier Giesbert utilise l'épopée de Rose comme prétexte pour raconter toutes les horreurs du XXe siècle, mais surtout afin de présenter la fureur de vivre que peuvent avoir certaines personnes, ainsi que cette force de résilience qui est si remarquable. Après avoir goûté au génocide arménien, à la Première puis à la Deuxième Guerre mondiale, après avoir rencontré les dirigeants du nazisme et du maoïsme, tout en voyant mourir ses proches les uns après les autres, Rose, à 105 ans a conservé sa bonne humeur. Je suis d'ailleurs un peu triste quand je pense qu'elle n'est qu'un personnage de fiction et que c'est impossible pour moi d'aller manger une parmesane dans son petit restaurant de Marseille. 


"Le jour de ma naissance, les trois personnages qui allaient ravager l'humanité étaient déjà de ce monde: Hitler avait dix-huit ans, Staline, vingt-huit et Mao, treize. J'étais tombé dans le mauvais siècle, le leur. Tomber est le mot. L'un des chats de la maison était monté dans le cerisier et n'arrivait plus à descendre.  [...] Peu avant le coucher du soleil, lorsqu'elle eut compris que mon père ne rentrerait pas, maman décida d'aller le libérer. Après avoir grimpé sur l'arbre en étirant son bras pour attraper le chat, ma mère ressentit, selon la légende familiale, sa première contraction. Elle prit la bête par la peau du cou, la relâcha quelques branches  plus bas et, saisie d'un pressentiment, s'allongea subitement dans le creux du cerisier, à l'intersection des branches. C'est ainsi que je vins au monde: en dégringolant." (p.28)

 En plus d'être très bien écrit et d'offrir une relecture des événements historiques pourtant maintes fois décrits, La cuisinière d'Himmler célèbre la vie, puisque, comme le proclame l'héroïne du roman: "On meurt de n'avoir pas vécu et sinon, on meurt quand même." (p.348) La lecture de cette oeuvre de fiction m'a fait penser à ma grand-mère, et à toutes les autres personnes âgées qui, derrière leur sourire, cachent leur lot de drame. À lire !

Franz-Olivier Giesbert, La cuisinière d'Himmler, Gallimard, 2013.

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