jeudi 10 octobre 2013

Les perroquets de la place d'Arezzo

Un roman de Eric-Emmanuel Schmitt

"Ce mot simplement pour te signaler que je t'aime. Signé: tu sais qui."
Cette lettre anonyme trouble l'existence des riverains de la place d'Arezzo. Dans ce quartier élégant de Bruxelles, quel original, quel pervers, quel corbeau déguisé en colombe s'acharne à violer leur intimité? Le message entraîne autant de promesses et d'attentes que de déceptions et de catastrophes, chacun l'interprétant à sa façon. 
Menée par Eric-Emmanuel Schmitt, cette ronde effrénée devient l'encyclopédie des désirs, des sentiments et des plaisirs, le roman des comportements amoureux de notre temps. 

Je viens de terminer Les perroquets de la place d'Arezzo, un autre roman incontournable de la rentrée littéraire 2013. Avec ce roman chorale, j’ose dire que Eric-Emmanuel Schmitt ne fait aucun faux pas.
(Note: j’ai longtemps cru que l’adjectif choral — comme dans film choral ou roman choral — faisait référence aux chorales. Donc quand j’entendais «film choral», je pensais immédiatement au film Les choristes. En réalité, on parle plutôt d’une histoire avec plusieurs personnages principaux, dont les destins s’entrecroisent, comme le sympathique film de Woody Allen To Rome with love.)

Chacun des protagonistes reçoit une lettre d’amour anonyme. Réflexe naturel; chacun choisi, à sa convenance, qui en est l’auteur, ce qui provoque de grandes joies ou de petites déceptions, voire même des catastrophes. Bien que Schmitt ait choisi de développer la thématique de la sexualité, du désir et de l’amour, on est loin de Fifty shades of Grey. En effet, l’auteur s’intéresse davantage aux mécanismes unissant les gens entre eux de même qu’au regard que l’on porte sur notre propre sexualité. Afin d’illustrer cette réflexion, Eric-Emmanuel Schmitt mettra en scène des accros du sexe, des homosexuels affirmés et d’autres qui le sont un peu moins, des solitaires et des ultrapopulaires, des cocus, des jeunes et des vieux, cette diversité des personnages lui permettant de couvrir largement le spectre social. Il parvient habilement à soutenir une quinzaine d’histoires en simultanée de façon à ce que le lecteur accorde autant d’importance et d’intérêt à chacune d’entre elles.

«Je ne suis pas si sûr d’être isolé, tu sais. Que sont les grandes amitiés, sinon des relations asexuées ? Qu’est l’amour paternel, maternel ou filial, sinon une relation asexuée ? Les seules amours qui existent et qui marchent sont les amours sans sexe. Chacun, sans trop se forcer, parvient à être un fils, un frère, un ami, un père. Rarement tout à la fois. En revanche, le monde s’obstine avec l’amour libidineux, même si ça part en eau de boudin. Je vais te glisser une confidence: la femme que je préfère dans ma vie est celle avec qui je n’ai jamais eu et avec qui je n’aurai jamais de relations sexuelles.» (p.564)

J’aime bien Éric-Emmanuel Schmitt. Il peut être profond (La part de l’autre) ou plus léger (Odette Toutlemonde et autres histoires) mais à chaque fois il a réussi à capter mon attention et à me faire vivre des émotions, ce qu’il a encore réussi à faire avec son dernier roman. À lire! 

Eric-Emmanuel Schmitt, Les perroquets de la place d’Arezzo. Albin Michel, 2013, 730 pages. 

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