samedi 6 juillet 2013

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...

Document réalisé par Kai Hermann et Horst Rieck

Ce livre terrible a connu un retentissement considérable en France et dans toute l'Europe. Ce que raconte cette jeune fille sensible et intelligente, qui, moins de deux ans après avoir fumé son premier "joint", se prostitue à la sortie de l'école pour gagner de quoi payer sa dose quotidienne d'héroïne, et la confession douloureuse de la mère font de Christiane F. un livre sans exemple. Il nous apprend beaucoup de choses, non seulement sur la drogue et le désespoir, mais aussi sur la détérioration du monde d'aujourd'hui. 


C'est une amie qui m'a conseillé de lire ce livre boulerversant. Publié d'abord en allemand en 1978, Christiane F. Wir kinder vom Bahnof Zoo, n'est pas à proprement parler un roman, disons plutôt qu'il s'agit d'un document sociologique. Je crois qu'il fait d'ailleurs parti de ces "documents initiatiques" des adolescents, comme l'est l'herbe bleue, entre autres. 

L'action se situe à Berlin, dans le milieu des années 1970. On y voit la difficile reprise économique d'un pays qui se remet de la guerre mondiale. La jeunesse est alors victime des troubles identitaires de la nation, de même que de cette rigueur économique et sociale imposée par un climat d'instabilité. On assiste également à la hausse de popularité des "cités" d'habitation, ou chaque espace vert se voit soit rasé pour devenir une nouvelle tour de logement, ou bardé d'interdits pour contrôler la population. 

La lecture de ce livre permet de constater l'impact du milieu - famille, amis, mais également au sens plus élargie; la société, l'économie, l'identité nationale -  sur le développement d'un jeune. On y découvre les difficultés qu'engendre l'augmentation des drogues fortes au niveau social à l'époque. L'heroïne est alors une drogue relativement nouvelle, du moins en Allemagne, et les instances sociales ne sont vraiment pas préparées à réagir à une telle "épidémie". Aucune campagne de sensibilisation bien sûr, mais également peu de ressources et beaucoup de jugements et de tabous. 

La progression de Christiane dans son rapport à la famille, à l'identité et à la drogue est assez percutant. Elle a d'abord l'impression de former une famille avec les autres membres de sa bande : "Au stade ou nous en sommes, l'héro et ses problèmes nous soudent plutôt. Je ne suis pas sûre qu'il existe encore une amitié comme celle qui nous lie, nous autres de la bande, chez les jeunes qui ne se droguent pas." (p.155) Mais elle constate finalement que : 

"Les toxicos meurent seuls. Le plus souvent dans des chiottes puantes. J'ai vraiment envie de mourir. Au fond, je n'attends rien d'autre. Je ne sais pas pourquoi je suis au monde. Avant non plus je ne le savais pas bien. Mais un fixer, pourquoi ça vit ? Pour se démolir et démolir les autres ?" (.p.213)

Suite  à la publication du livre, Christiane sera clean durant quelques années, puis ira de rechute en rechute. En 1988 elle reconnaît que "quand on connaît la sensation que procure l'héroïne, on ne l'oublie jamais. C'est tellement bon." 

En complément:

Moi, Chistiane F., 49 ans... un article de France Soir.
http://www.francesoir.fr/loisirs/culture/moi-christiane-f-49-ans…-123320.html

Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée... Mercure de France, 1981.
Également chez Folio, en format poche.

L'herbe bleue, Anonyme, 1972.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire