dimanche 29 septembre 2013

Les déferlantes

Un roman de Claudie Gallay

La Hague... Ici on dit que le vent est parfois tellement fort qu'il arrache les ailes des papillons. Sur ce bout du monde en pointe du Cotentin vit une poignée d'hommes. C'est sur cette terre âpre que la narratrice est venue se réfugier depuis l'automne. Employée par le Centre ornithologique, elle arpente les landes, observe les falaises et leurs oiseaux migrateurs. La première fois qu'elle voit Lambert, c'est un jour de grande tempête. Sur la plage dévastée, la vieille Nan, que tout le monde craint et dit à moitié folle, croit reconnaître en lui le visage d'un certain Michel. D'autres, au village, ont pour lui des regards étranges. Comme Lili, au comptoir de son bar, ou son père, l'ancien gardien de phare. Une photo disparaît, de vieux jouets réapparaissent. L'histoire de Lambert intrigue la narratrice et l'homme l'attire. En veut-il à la mer ou bien aux hommes ? Dans les lamentations obsédantes du vent, chacun semble avoir quelque chose à taire. 
Les cent premières pages du roman Les déferlantes ne m’ont pas plu, au point où j'avais envie d'abandonner. Mais j’ai choisi de poursuivre, il y avait quand même un petit quelque chose qui retenait mon attention. Un peu comme lorsque l'on emménage dans une nouvelle contrée, et qu'après avoir sommairement découvert l'endroit et ses habitants rien ne semble nous plaire. Puis, peu à peu, on prend nos aises, on développe des habitudes, et finalement, on s’attache, et on ne peut plus repartir. On ne veut plus refermer le livre. C’est ce qui m’est arrivé avec cette histoire. C’est aussi ce que vit la narratrice du roman, qui débarque à La Hague pour fuire sa vie d’avant, et qui s’enracine dans ce petit village portuaire de Normandie. 

«Il suffit d’une rencontre». Cette phrase, prononcé à la toute fin du roman le résume à merveille. Il aura suffit d’une rencontre pour changer l’existence de chacun des personnages de cette longue histoire. La curiosité de la narratrice, qui connaît peu le passé des gens qu'elle côtoie, permettra à des histoires enfouies depuis des années de refaire soudainement surface. 

Fait particulier, la narratrice s’adresse parfois à un ancien amoureux, ce qui au début m’embêtait. Puis,  j’ai fini par comprendre, et par être touché par cette relation qui l’a retient, qui l’empêche de s’abandonner. 

«Tu m’avais dit, Oublie-moi. Tu m’avais fait jurer ça, d’aimer à nouveau. Ma bouche, à l’intérieur de la tienne, Il va falloir oublier, tu as dit cela, oublier ou m’oublier je ne sais plus, sans détacher tes lèvres des miennes, tu as déversé ça en moi, Il va falloir que tu vives sans moi, jure-le-moi... 
J’ai juré.Les doigts en croix. Dans ton dos. Tu étais encore debout. Tellement grand. J’ai posé ma main sur ton épaule. Comment je peux aimer après toi ?»(p.340)

La mer aussi prend une grande place dans le récit. Elle est presque un personnage à part entière. On la sens à chaque page, on reconnaît sa marque, sa puissance dans la passion des uns et la tristesse des autres, ou dans les ravages que laisse le sel sur le mur des maisons. «Le ciel et la mer étaient du même gris, un peu brun, c’était le vent, il soufflait d’est, ça soulevait la vase. Les bruyères se fanaient déjà sur la colline.» (p.507)

La force du roman Les déferlantes  repose sur l'écriture de Claudie Gallay. Une écriture différente, que l'on doit d'abord apprivoiser, mais qui dégage un réalisme bouleversant. L’auteure accorde aussi une grande importance au sens, au toucher, à l’odorat, ce qui encore une fois accentue le réalisme de l'histoire: «J’ai entendu gueuler un oiseau dans un arbre derrière moi. La présence des ânes au loin. J’ai marché dans leurs traces. Mes semelles dans la boue. La marques des sabots. Des odeurs encore, indéfinissables.» (p.401) Finalement, le récit regorge de  personnages qui semblent d'abord difficiles d’approche mais qui se révèlent être d’une grande richesse. 

Je suis contente de ne pas avoir abandonné ma lecture, car je serais passé à côté d’un grand roman. 



Claudie Gallay, Les déferlantes, Rouergue, 2008. 
Aussi paru en format poche chez Acte Sud (2012) et chez J'ai lu (2010).

2 commentaires:

  1. J'en ai tellement entendu parler à un moment, ce livre était sur tous les sites, tous les blogues, tellement que je n'avais même pas envie de le lire.

    Tu vas peut-être me faire changer d'avis... ;)

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  2. C'était vraiment bon et je pense que tu l'aimerais aussi ! En plus je trouve que ça se lit bien en ce début d'automne. ;)

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